Le pardon et la reconstruction du vivre-ensemble chez Paul Ricoeur

Dans son ouvrage intitulé La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paul Ricœur démontre que le pardon, malgré sa conception et donation difficultueuses, est capable de rétablir le dialogue, l’harmonie et la réconciliation au sein d’une altérité biaisée par les haines, les guerres, les antinomies politiques et religieuses. Le pardon, par sa capacité à suspendre l’envol de la haine et le cycle infernal de la vengeance qui dénaturent l’humanisme du sujet victimisé, joue une partition remarquable dans la lourde et difficile tâche du rétablissement du dialogue, de la paix et de l’harmonie entre la victime et le coupable. Le succès du pardon est lié à la hauteur d’esprit de la victime qui ne réduit pas l’existence du coupable à la faute commise, mais l’appréhende également comme un être capable d’actes nobles susceptibles de rehausser notre rapport à l’humain. Toutefois, en reconnaissant la nature ondoyante et divergente de l’homme et son enracinement à la radicalité du mal il devient assez difficile de concéder cet optimisme psychologique ricoeurien. Car, rien ne garantit le triomphe d’une mémoire heureuse chez la victime malgré la promesse formulée de transcender les velléités de haines et de rancunes qui vouent aux gémonies le vivre-ensemble. D’où le besoin d’associer la solidarité spirituelle du pardon à celle psychologique en vue d’une reconstruction stable, sincère et pérenne de l’harmonie sociale.