Mon ami Jean

« Ici s’interrompt mon récit comme l’aube blanchit la chambre et que, dehors, le vent hurlant toujours cherche à tout renverser sur son passage. Le cauchemar dans lequel je tombe est pire que les choses que j’évoque dans ce texte. Des tranchées peuplées de visages inconnus et sombres s’ouvrent à l’infini, des obus pleuvent, soulevant d’énormes gerbes de terre, des corps déchiquetés par la mitraille agonisent dans la boue, et, dominant cette vision d’enfer, la silhouette démesurée du sergent Legrand, moins à cause de la suggestion du nom qu’il porte, qu’en raison de sa taille, qui m’apparaît nettement au-dessus de la moyenne. D’une voix puissante, par-dessus la tranchée où il est embusqué avec ses hommes, il crie dans la direction de mon fils en civil : “Pour l'amour du ciel, allez-vous en...” »