« Tu me réveilleras ? », lui demanda-t-il un peu anxieux, un peu honteux, complètement épuisé. Incapable d’entendre une réponse. Il avait marché ses toutes dernières forces pour arriver à « la Grande Chaloupe ». Dix kilomètres le séparaient de la fin de la course. Mais ses jambes ne le portaient plus. Il n’arrivait plus à leur demander un effort de plus, encore un effort, encore un pas, deux pas, trois pas, puis jusqu’à la montagne, puis jusqu’à la suivante. Il s’était jeté dans l’aventure du « Grand Raid » quelques mois plus tôt. Ce trail traversait l’île de la Réunion de part en part. Cent soixante douze kilomètres de distance, plus de neuf mille mètres de dénivelé positif. Une lutte, à chaque pas, contre le sommeil, la soif, la faim, la fatigue, le chaud, le froid, le stress. Une lutte contre soi, vers un soi plus fort, plus endurant. Une lutte contre personne d’autre, puisque personne ou presque ne prévoit de gagner le « Grand Raid ». On espère juste arriver au bout de la « Diagonale des Fous ».